Paysages prêts à monter

CRÉES A L'OCCASION L’ACTION DES NOUVEAUX COMMANDITAIRES (MÉDIATEUR : ARTCONNEXION). COMMANDE DE L'AMPAVE (ASSOCIATION MÉMOIRE PATRIMOINE ET ACTIVITÉS DE LA VOIE D’EAU).

 

Chez les bateliers le temps ne s’inscrit pas dans un espace fixe. Les mastodontes métalliques que sont les péniches glissent sans laisser de traces, surprennent souvent les promeneurs qui ne s’aperçoivent de leur présence que quand elles sont dans leur champ de vision.

Nous expérimentons, en leur compagnie un temps furtif, difficile à saisir.

Les mariniers maîtrisent l’art du Kairós. Kairós est le dieu grec de l’instant T, celui qui crée une profondeur dans l’instant. Il s’oppose à la notion linéaire du temps du dieu Chronos. Au croisement des catégories du pas-encore et du jamais-plus, Kairós est ce point précis du temps qui pour être

saisi exige à la fois sagacité, promptitude et dextérité.

 

Paysages prêts-à -monter.

Nous débutons ce projet par des voyages sur l’eau. Nous mettons en place un protocole de prise de vue. L’un à l’avant, l’autre à l’arrière de la péniche, nous prenons les photographies au même moment.

Photographiant simultanément ce à quoi l’autre tourne le dos. L’un regardant l’avenir, l’autre le passé.

Puis nous créons 2 pièces distinctes mais liées. Un livre et une installation composée de plaques de métal recyclé poli-miroir de 2,5 / 1,5 m. Dans l’installation on voit à travers les plaques de métal miroir et l’on s’y reflète. La vision de droite est différente de celle de face ou de celle de gauche. De

loin on ne voit pas la même chose que de près. La vue des paysages imprimés varie, échappe sans cesse.

Nous découpons dans les photographies de paysages (celles du livre imprimées sur du papier et celles de l’installation imprimées sur métal) des maquettes de péniche en kit, des éléments, à « déchirer », à plier, à assembler ... à travailler, pour qu’ils deviennent bateau.

L’opération qui consiste à détruire une péniche se nomme le « déchirage ». Le mot déchirer tient son origine de skerian, « séparer, diviser ». Quel étrange usage que ce mot qui évoque la peau, le papier ou le coeur pour ces tonnes de métal qui composent une péniche.

Ces dernières années, le nombre de mariniers a beaucoup diminué (600 familles en 2019 contre 14000 en 1949). Aujourd’hui la batellerie artisanale s’interroge sur son avenir, avec l’espoir d’un nouveau départ guidé par une prise de conscience écologique. Nous avons rencontré plusieurs mariniers

retraités, « débarqués » qui aiment les maquettes. Ces «modèles réduits » leur rappellent la vie sur l’eau. Les maquettes font également rêver les enfants ...

Elles donnent forme aux rêves et aux souvenirs, racontent quelque chose de la généalogie de la consécution.

 

Lire l’eau et remonter le livre.

Nous filmons les bateliers, ils «lisent» les photographies prises sur les péniches. « Un cours d’eau ça se lit, dans les flux et les reflux ( ...) Ça s’apprivoise au fur et à mesure de l’expérience mais ça ne se dompte pas. » raconte Daniel, batelier. Nous filmons également des moments des rencontres autour de la construction des livres maquettes. Nous évoquons l’avenir de la batellerie, les changements

à venir et le temps qui inexorablement file entre les doigts. Le film est composé (dans le scénario de tournage et de montage) d’une série de reflets, d’échos, de retournements.

Entre le passé et l’avenir, entre les jeunes et les vieux entre les petites maquettes et les énormes péniches, entre l’eau et la terre, entre le papier et le métal, entre le réel et son image, entre l’avant et l’arrière entre les surfaces polies et rouillées...

 

CREATED ON THE OCCASION OF THE NEW COMMISSIONER ACTION (MEDIATOR : ARTCONNEXION). AN AMPAVE (INLAND WATERWAY ACTIVITY MEMORY ASSOCIATION) COMISSION.

 

The commission

 

The AMPAVE association wanted to commission an artist as part of its activities to raise awareness of the issues surrounding canal transport. The association, located in Douai, has two main activities: the collection of archives related to inland waterway transport (photos, objects, documents) and the knowledge transfer related to this profession to the general public. The members of the association would like to encourage younger generations to take up the inland waterway profession, especially as this means of transport is relevant to the current environmental crisis.

 

In order to do so, the commission is to reflect the "life of the boat" in a sensitive way. Inland navigation is much more than a profession, as it requires an atypical rhythm of life on the water. This specific way of life needs to be documented, as it is currently undergoing major changes due to the issues of increased globalisation linked to canal transport.

The artwork

 

In response to the commission, the artist duo Cléa Coudsi and Eric Herbin proposed a set of works consisting of an installation, an edition and a film. After a residency on a barge, the artists wanted to highlight the singular view of boatmen on the environment. Indeed, the experience of living on a boat profoundly changes ones relationship with the natural elements, space and time.

 

The installation will consist of 12 steel panels on which will be printed photographs of the landscape taken by the artists from a barge. This large-scale project will be exhibited in different contexts (contemporary art exhibitions, presentation in the halls of public places or companies, outdoors).

 

To accompany the installation, a publication is being produced: an educational artist's book. This will include photographs of the commission printed on detachable elements that allow a model of the barge to be built.

 

A film is also being produced.